« Il est temps de rendre la parole aux pauvres, parce que leurs demandes sont restées sans être écoutées pendant trop longtemps. Il est temps d’ouvrir les yeux pour constater l’état d’inégalité dans lequel vivent tant de familles. »
Pape François
Editorial
Par Tom Mussenge,
président de Luebo-sur-Ourthe Belgique
Nos activités n’ont pas échappé aux répercussions de l’épidémie de Covid19. A titre d’exemple, la marche Adeps du 06/06/2021 qui a connu un succès remarquable nous a poussés à nous organiser « autrement », pour respecter les règles imposées. Ce fut l’occasion de découvrir une autre manière de servir et de rencontrer les marcheurs… avec une joie palpable sur tous les visages !
En outre, les inondations du 14 au 16 juillet nous ont ébranlés. Ceux qui cultivaient l’artemisia dans les vallées de l’Ourthe, de l’Amblève ou de la Vesdre ont perdu toutes leurs plantes. Mais ces intempéries nous ont permis de vivre une solidarité inouïe, des cœurs se sont ouverts à l’inconnu. Des inondations aussi à Luebo, des cases emportées ou détruites, les éléments déchainés n’ont pas épargné les plantations de certaines de nos équipes d’agriculture. Là-bas aussi la solidarité était à l’œuvre.
Ces projets solidaires nous situent à la droite du Seigneur, comme il est écrit dans Matthieu 25, 35-36. Rappelons que Luebo-sur-Ourthe a pour but de créer des liens d’amitié et de solidarité entre des habitants de la Vallée de l’Ourthe en Belgique et ceux de Luebo au Kasaï en RDC. Toute œuvre humaine a sa part de fragilité, et cependant nous essayons que ces liens soient réellement fraternels, et surtout pas empreints de paternalisme.
Nous vous présentons dans ce bilan annuel l’essentiel des actions menées dans le domaine de l’agriculture et l’apiculture, la santé, l’enseignement et la culture, l’aide sociale, et une bibliothèque qui se veut un lieu ouvert à tout public. Un nouveau projet, « école sans paludisme grâce à l’artemisia » nous enchante pour le moment, tandis que l’association est maintenant officiellement intégrée aux « Maisons de l’Artemisia ».
L’heure des bilans est aussi celle des mercis. Nous voudrions exprimer ici toute notre gratitude à tous les membres des équipes de Luebo-sur-Ourthe en Belgique et à Luebo. Nous témoignons également notre reconnaissance à tous nos sympathisants et amis qui nous ont soutenus et aidés durant l’année qui s’achève.
Nous saisissons de cette occasion pour vous présenter nos meilleurs vœux pour 2022 : santé, paix, amour, joie et bonheur. Que Dieu vous bénisse et vous garde.
Agriculture
Par Isabelle Jemine
Cela faisait 10 ans que nous voulions faire de l’agriculture notre priorité. Nous ne savions comment nous y prendre, nous avons mis des années à observer.
Ces femmes et ces hommes sont extraordinaires ! Imaginez le travail inouï que cela représente de défricher, extraire les souches, clôturer, semer, puiser et porter l’eau, sarcler, arroser, amender, récolter, transporter… à mains nues ! Ils n’ont ni charrette, ni bœuf, ni tracteur : rien que leurs mains et leurs pieds, quelques bidons, des houes et des machettes. Le climat de plus en plus imprévisible leur joue des tours, détruisant parfois l’entièreté des récoltes d’une saison : ils s’accrochent.
Disons-le simplement : ils ne font presque aucun bénéfice sur leur récolte, n’arrivent pas à payer les frais scolaires ou les soins de santé pour leurs enfants, ils en souffrent et espèrent un changement, mais peu imaginent qu’ils puissent être acteurs de ce changement.
Ensemble nous avons écrit une charte, avec des valeurs et des objectifs sociaux et environnementaux pour les équipes qui voulaient adhérer à l’association. La semence a dormi, peu visible d’abord, mais cette année nous sommes émerveillés de la voir germer, même si la récolte est encore loin à l’horizon.
En 2021, sept équipes agricoles de l’association ont décidé de se réunir régulièrement. Pas sur des chaises autour d’une table, mais sur le terrain, rejoignant à pied ou en pirogue les champs des uns et des autres, échangeant idées, conseils, semences, projets de collaboration. Elles ont jeté des ponts avec d’autres projets de l’association : une visite aux prisonniers, une rencontre avec ceux qui cultivent l’artemisia annua, une réunion à la bibliothèque, un combat commun avec les apiculteurs pour bannir les habitudes de brûlis.
André, coordinateur à Luebo, a su instaurer cet esprit où « faire association » prime sur « demander de l’aide à l’association », et c’est admirable. On ne balaie pas d’un revers de la main l’image du colon qui engage des ouvriers, fournit les intrants, paie un salaire. Chaque nouvelle équipe qui adhère à la charte prend lentement conscience de sa liberté et sa responsabilité. Peu à peu, leurs demandes d’aide se font plus précises, visant une meilleure résilience à long terme.
Tshisululu tshia budimi
tshiakandisha nakokola
Anu bualu bua budimi,
banyi bana kabena mua
kulala ne nzala to.
C’est grâce à la sueur du travail
que j’ai pu avoir une femme et des enfants,
C’est grâce à elle que mes enfants
ne s’endorment pas affamés.
(Chant de ralliement de nos équipes)
Prison de Luebo
Par Tom Mussenge
Dans le domaine de l’aide sociale, 2021 aura été une année particulièrement fournie en rebondissements et actions encourageantes. Fin 2020, après le départ du jeune Antoine – l’ami des prisonniers -, une équipe s’est constituée autour de Léonard, suite aux appels lancés sur Facebook. Ainsi Joseph, Russel, Louis, Marcel, Georges, Hortense, Kayembe (le benjamin de 10 ans) et les autres répondent régulièrement ou épisodiquement à l’appel de l’amour avec courage, persévérance, abnégation et dynamisme. Ils vont apporter la nourriture chaque mercredi, distribuent des habits et des nattes en cas de besoin, font soigner les prisonniers malades, et assistent parfois aux enterrements, car en prison la faim tue. Les comptes sont bien tenus et régulièrement transmis à l’équipe belge qui apprécie.
Cette année, l’engagement d’André, le Coordinateur, a porté ses fruits. Il a eu plusieurs réunions avec le Procureur, ensemble ils ont créé un comité de suivi avec des notables de Luebo. Nous avons adressé une interpellation à la Ministre Nationale de la Justice et Garde des sceaux sur l’état de délabrement de la prison et la situation humanitaire des prisonniers. A la suite de cela, Le directeur a commencé à recevoir des subventions et à fournir de la nourriture aux prisonniers une fois par semaine. L’appel reste lancé aux bonnes volontés, aux églises et aux associations humanitaires de Luebo pour rejoindre l’action de nos membres afin d’assurer l’alimentation régulière des prisonniers.
Lors de la dernière visite, ils étaient 42 dans l’unique pièce de la prison
Artemisia
Par Isabelle Jemine
Vous le savez, chaque année depuis 11 ans nous proposons à tous ceux qui le souhaitent de cultiver quelques plantes d’artemisia annua, nous envoyons la récolte à Luebo. Ce sont généralement 10 à 15 kg de plantes séchées qui étaient distribués à des centres de santé, aux familles de l’association, aux prisonniers… nous n’avions pas toujours de retour, bien que notre objectif était de sensibiliser à l’utilisation de cette merveilleuse plante contre la malaria, nous nous sentions encore bien loin du but.
Ces deux dernières années ont marqué un tournant, tant en Belgique qu’à Luebo. Souvenez-vous du premier confinement : le temps était magnifique, les gens avaient envie de faire leur jardin, et un certain besoin de solidarité qu’il fallait réinventer chacun chez soi. Les plantules sont parties comme des petits pains, nous avons récolté près de 90 kg en octobre. Cette récolte vient à peine d’arriver à Luebo, celle de 2021 est prête à partir, et déjà un magnifique projet fleurit au sein d’une école primaire de 600 enfants.
Ce projet démarre en janvier et durera jusque juin : il s’agira de distribuer trois fois par semaine une tasse de tisane d’artemisia annua à chaque enfant et enseignant. Au début et au cours de cette période, une formation à la culture de l’artemisia est prévue, d’abord pour le personnel de l’école, ensuite pour les parents.
Quelqu’un demandait un jour : « combien d’enfants comptez-vous soigner avec l’artemisia ? » Nous ne voulons pas soigner un certain nombre de personnes, notre rêve est que chaque famille de Luebo connaisse et cultive l’artemisia annua ou afra pour l’utiliser contre le paludisme aussi longtemps qu’il le faudra, et sans nous !
Chaque pas compte dans ce travail de sensibilisation : les agriculteurs de l’association ont rendu visite à Célestin, à Bakua Nsulu, qui persévère depuis 2020 dans la culture de l’artemisia annua, et a déjà produit de nouvelles semences. Le travail est rude, ils s’y sont mis tous ensemble : ce n’est plus une parcelle, c’est un petit champ d’artemisia qui grandit maintenant. Ils savent que l’arrosage ne peut pas être négligé, même si la source est loin. Célestin fait ses plans pour construire un abri pour le séchage.
Quelqu’un demandait un jour : « combien d’enfants comptez-vous soigner avec l’artemisia ? » Nous ne voulons pas soigner un certain nombre de personnes, notre rêve est que chaque famille de Luebo connaisse et cultive l’artemisia annua ou afra pour l’utiliser contre le paludisme aussi longtemps qu’il le faudra, et sans nous !
Selon le tout récent rapport de l’OMS, en 2021, le paludisme est la cause de 627.000 morts dont 80% d’enfants de moins de 5 ans.
Le mois dernier nous apporté un cadeau : malgré toutes les imperfections du chemin parcouru en 10 ans, nous devenons l’une des « Maisons de l’Artemisia » qui ont fleuri ces dernières années principalement en Afrique : elles sont plus d’une centaine, réparties dans 30 pays, et nous adhérons de tout cœur à leurs valeurs et objectifs
(voir : maison-artemisia.org).
Apiculture
Par Isabelle Jemine
J’ai envie de vous partager le dédale parcouru dans nos têtes pour créer des ruchers-écoles. C’est tellement important dans le cadre de Luebo : le chemin emprunté, plus encore que la destination, voilà le vrai trésor du laboureur.
L’attente était claire, depuis des années : l’association comprenait 15 équipes d’apiculture, leur miel délicieux attirait du monde, avec l’envie d’apprendre. Nous avions du potentiel : 10 promoteurs apicoles préparés et formés depuis 2 ans. Nous savions aussi qu’il ne suffit pas de former. L’équipement pour démarrer un rucher en fin de formation n’est pas à la portée de tous, il faudra aider. Mais comment instaurer un fonctionnement juste ?
Quand une ONG débarque dans un pays pauvre et paie tout : formation, matériel, salaire des encadrants, kit de démarrage… le résultat est parfois rapide, impressionnant, mais qu’avons-nous fait vraiment ? Il y a quelque chose de « pas-tout-à-fait-juste » qui s’est installé et qui sera inévitablement reproduit par la génération suivante. Dans cette mentalité de la « main tendue » qui ne fait pas beau visage au pauvre, quelle est la part de responsabilité du riche ?
Alors on cherche ensemble, on invente une autre voie, où chacun donne et reçoit : association, apprenants, promoteurs. C’est un chemin de confiance, un certain tour d’équilibriste : les apprenants reçoivent une formation mais fournissent un travail au rucher ; le promoteur reçoit des ruches, prend le temps d’instruire et de s’instruire, récolte le miel ; l’association apporte des soutiens ponctuels sur base d’un engagement réel. Ce chemin, nous l’avons inventé en réfléchissant aux valeurs qui nous sont essentielles, et cependant moins visibles que la rentabilité d’un projet.
A partir de 2022, nous sommes engagés avec Miel Maya Honing dans un programme subventionné par le Gouvernement belge qui durera 5 ans. De nouveaux défis s’ouvrent à nous, comme l’intégration des femmes ou la commercialisation du miel, mais surtout un passionnant dialogue avec d’autres groupements d’apiculture de l’Est de la RDC.
IMPORTANT à partir du 1 er janvier 2022, le compte bancaire de l’Entraide vincentienne sera clôturé, nous ne pourrons donc plus vous délivrer d’attestation fiscale. En attendant de trouver une autre association partenaire pour ce précieux service, nous accueillerons avec reconnaissance vos dons sur le compte Triodos de l’association.
Compte permanent Triodos BE92 5230 8040 7823 au nom de Luebo-sur-Ourthe. Sans attestation fiscale.
Le travail d’un artisan d’un village au nord de Luebo
Juin 2021 : de fortes pluies ont détruit une centaine de maisons, églises et écoles
Après l’arrivée des colis de Belgique, le sourire de Bona et de ses petits frères