Récit du Voyage à Luebo 2020

Récit du Voyage à Luebo 2020

Secrétaire de l’association « Luebo-sur-Ourthe, j’ai voyagé de la vallée de l’Ourthe en Belgique à celle de la Lulua au Kasaï, en RDC. En toute petite délégation, pour consolider les liens d’amitié et de solidarité qui nous unissent depuis tout juste 10 ans. Voici le récit de ce beau voyage, jour après jour.

8 janvier 2020, de Bruxelles à Kinshasa

En route ! Voyage serein. A l’aéroport de Kin, Charles est là avec son immense sourire. Malgré l’heure tardive, le taxi est pris dans les embouteillages de Kinshasa où l’on construit des « sauts-de-mouton ». Charles me prévient que sa petite-fille, Bel-Ange, a un peu peur des étrangers. Mais à moitié endormie, elle ne remarque pas que je suis blanche et vient se blottir dans mes bras…

9 janvier 2020, Kinshasa

Kinshasa, un jour de rencontres.
La plus émouvante : ce matin avec André, coordinateur de l’association. Après deux ans de collaboration, on se voit enfin ! Un moment lumineux entre la pluie et la boue du marché…
Belle rencontre aussi au bureau national de Maison de l’artemisia. Dr Nathan Buntutidi nous offre tout son temps. Comme médecin, il parle plus souvent d’agriculture et de nutrition que de médicaments. Comme responsable des Maisons de l’artemisia, il encourage magnifiquement ce réseau qui s’étend dans toute l’Afrique.
Le pluie tombe, les taxis sont paralysés, rejoindre Tom à l’autre bout de Kinshasa semble presque impossible. Le dr Nathan nous fait la surprise de nous conduire lui-même chez Tom, président de l’association en Belgique, mais résidant à Kinshasa. De manière providentielle, Nathan nous offre aussi son écoute, ses conseils et sa grande expérience des associations lorsque nous relisons les Statuts de Luebo-sur-Ourthe qui sont sur le point d’être enregistrés.
Retour chez Charles, dont c’est l’anniversaire aujourd’hui. Son épouse et ses filles ont préparé un repas, quelques bons amis sont là. Je m’endors avant la fin de la fête…

10 janvier, Kisantu

Nous sommes à 2 heures de route de Kinshasa. Dr Nathan nous emmène à Kisantu là où se trouvent les cultures d’artemisia annua et afra.
Le Bas-Congo est le pays du miel, mais aussi d’une belle diversité d’espèces végétales. Au marché, les enfants proposent des fruits de toutes sortes… pour la plupart, des fruits inconnus pour moi qui vient de Belgique, et certains le sont même pour André qui vient du Kasaï.
Un sentier paisible dans une magnifique végétation nous emmène au champ d’artemisia. Ici, on expérimente toutes les semences partagées par les Maisons de l’Artemisia en Afrique. On partage aussi le savoir, les expériences… tout est en « open source » et tisse un immense réseau, dans l’espoir de vaincre un jour définitivement le paludisme. « Il suffirait d’une plante d’Afra devant chaque maison », dira Lucile Cornet-Vernet, fondatrice des MDA. Les variétés artemisia annua et afra se plaisent bien ici, mais comme nous l’avons vu à Luebo, beaucoup d’annua ont tendance à monter trop vite en graines. Patiemment, il faut sélectionner celles qui vont jusqu’au bout du cycle, qui s’adaptent de mieux en mieux au milieu.
André expérimente le marcottage d’une afra, nous recevons des boutures et petites plantes à transporter jusque Luebo avant de reprendre la route pour nous poser au couvent des Sœurs de Sainte Marie.

11 janvier, Mbanza-Ngungu

Ce matin, nous quittons Kisantu pour un court trajet vers Mbanza-Ngungu. Toujours émerveillés par cette région. Tout le long de la route, des villages qui ressemblent à ceux de la région de Luebo. Mais ici sur chaque parcelle on cultive méli-mélo une incroyable variété de plantes et d’arbres fruitiers. Le safou est roi… et ce n’est pas pour rien car c’est un arbre mellifère par excellence. Devant les maisons, des multitudes de petites échoppes proposent du miel. Le Bas-Congo est la province – reine de l’apiculture en RDC !
Au « parking » de Mbanza-Ngungu,  nous guettons l’arrivée d’Abraham, formateur en apiculture, qui collabore depuis 8 ans avec nous à Luebo. Passionné et audacieux… il s’est même rendu à Luebo en 2017 pour une formation, alors que le Kasaï était plongé dans la violencedes conflits « Kamuina Nsapu » : il avait compté 17 barrières avec des hommes en armes pour rejoindre Luebo.
Le voici ! Joie et étreintes… Il nous emmène chez lui goûter les safous  – c’est aussi un fruit excellent pour la santé -, puis saluer l’Administrateur de territoire, qui reste avec une petite plante d’artemisia… (Dr Nathan n’en rate pas une !). Ensuite repas commun et échange avec Abraham sur l’évolution des équipes d’apiculteurs de Luebo.
Passage à la PLAAC, grande association d’apiculteurs de cette région, puis retour sur Kinshasa paralysée par les embouteillages.
Un quart d’heure après nous avoir déposés, Nathan revient avec l’accusé de réception des Statuts de l’association, qui sont donc maintenant enregistrés au Ministère de la Justice.

12 janvier, de Kinshasa à Kananga

Une seule mission aujourd’hui pour André et moi : prendre l’avion. Il n’y a 75 minutes de vol entre Kinshasa et le Kasai. Mais au moins deux heures d’embouteillages et trois heures de complications. Il y a bien une file pour le check des bagages… mais curieusement, alors que nous étions parmi les premiers dans la file, nous serons les derniers à passer les épreuves du grand jeu. Un employé fin d’esprit et très drôle nous explique cela de manière poétique… « face à la rivière, il y a un passage droit devant, mais le congolais regarde de côté et dit « non moi je veux sauter ! ». Ok notre petit bidon de plantes d’artemisia dans leurs sachets de terre humide avait toutes les chances de ne pas passer droit devant. Avec le sourire, certaines choses s’arrangent quand même « à la congolaise ».
Vol calme et accueil parfait à l’aéroport. Un jeune ami de Luebo s’est organisé avec sa famille de Kananga pour que nous ne manquions de rien. Après le tumulte de Kinshasa, nous savourons le silence de la nuit !

13 janvier, de Kananga à Konyi

Les préparatifs se mettent en place pour le départ. Nous sommes deux voyageurs mais les bagages sont pesants, nous prendrons trois motos.
Je m’occupe de préparer l’artemisia pour André qui avait la fièvre la veille de mon arrivée. Il faut chaque jour, pendant 7 jours, faire bouillir un litre l’eau, jeter dans la casserole une poignée de plantes, retirer la casserole du feu et attendre 15 minutes avant de filtrer. Cela éveille la curiosité et il ne manque jamais quelqu’un qui souffre de la malaria qui veut aussi connaître cette plante…
Fin de matinée, les bagages sont enfin ficelés, c’est le départ. Tout est serein. Le temps est bon, la route est mauvaise. A plusieurs endroits je me demande comment nous serions passés en voiture. Nous n’en croiserons d’ailleurs qu’une seule sur 200 km, et deux camions embourbés.
Souvent, un passage sablonneux oblige le chauffeur à avancer en « canard » en s’aidant de ses pieds pour garder l’équilibre. Si la bande de sable est longue, j’en profite pour descendre et marcher un peu. La nature est magnifique, le silence règne, hormis bien sûr les criquets et les oiseaux.  

Mais ce qui prend aux tripes, c’est la Vie dans les villages que nous traversons. Je n’arriverai jamais vraiment à décrire… j’aimerais un appareil photo, les secousses m’en empêchent et ce serait un piètre rendu. Entre les maisons de terre et de chaume, les palmiers, les plants de manioc et de maïs, chèvres, poules et quelques fois un cochon… mon regard est capté par les enfants. Frères, sœurs, amis… cela se voit. Ils jouent ou travaillent ensemble, joyeux, sereins. Aux heures chaudes, les petits s’endorment, nus sur le sol ou bercés dans le dos d’une grande sœur ou de leur maman.
Ces images de petits paradis contrastent avec une autre réalité que nous croisons sur la route. Les « bayanda » ! « Ceux qui vont » dans la traduction littérale. Mais ceux qui portent aussi dans la pratique. L’énorme charge ficelée sur « ce que l’on pourrait appeler un vélo » amène ou ramène le maïs ou manioc, ou encore d’huile de palme et le carburant. Arque-boutés sur les sacs ou les bidons, les bayanda suent de tout leur corps, glissent dans le sable ingrat, tombent, se relèvent et essaient à nouveau. Si parfois l’un d’eux nous salue ou sourit, leur regard évoque plus souvent celui d’esclaves sur-exploités et épuisés. Leur maître ? L’amour de leur famille à qui ils ramèneront de quoi payer les frais scolaires pour les petits frères et soeurs, ou quelques médicaments. Leurs regards portent encore plus loin peut-être en voyant que je suis blanche. Les blancs sont venus faire la route à l’époque coloniale. Qui pense à la refaire maintenant ?

14 janvier, de Konyi à Luebo

Nous avons logé à l’improviste chez un ami de l’association à Konyi (70 km de Luebo).
Et nous reprenons la route. Le dos souffre un peu mais pas pire qu’un gros jour de chantier. Les petites étapes « sable » font du bien, surtout que nous entrons dans un région de forêts magnifiques.
A l’approche de Luebo, de temps en temps, le traditionnel « Mutoke moyo » est remplacé par « Maman Isabelle, bonjour ! »
Et voici devant nous la colline où s’étend la cité. Je retrouve Luebo comme je l’ai quittée en 2015, une communaute sereine et joyeuse, chacun vit au présent et a rangé comme il pouvait les souvenirs douloureux des événements de 2017. De mon côté je revois ces lieux pour la première fois après… même si je n’ai vécu ces événements que de loin, d’un seul coup ils refont surface en traversant le Parking, et ces souvenirs tellement durs se mêlent à la joie de revenir à Luebo.
La descente se poursuit. Devant la bibliothèque, je suis prise dans un étau bien différent. Est-ce que mes côtes et mes mains survivront ? C’est juste Jean-Nicolas qui me salue…!
D’autres retrouvailles suivent… et se poursuivront durant mon séjour. Théophile, Antoine, Emery, Papa Ngoma, Nelly… impossible de citer tous les noms !
Nous travaillons tout de suite avec Théophile pour mettre à l’aise nos boutures et petites plantes d’artemisia afra qui voyagent depuis 5 jours. Pourvu qu’elles reprennent !

15 janvier, Luebo

Un seul point est au programme de cette journée : réunion avec le Conseil d’administration de l’association. Nous y ajouterons une foule d’autres choses. Depuis la tisane d’artemisia du matin jusqu’aux lessives du soir, les visites, les formalités de la DGM ou la visite aux prisonniers, il reste peu de temps.
Avec les membres du CA, je retrouve la même ambiance que dans notre petite équipe de Belgique. Chacun est différent mais il y a une bonne entente, nous sommes heureux de nous retrouver, de raconter les derniers événements et de chercher ensemble la meilleure manière d’encourager chaque projet de l’association. Il y a quelques difficultés, mais l’esprit que nous avons voulu construire ensemble est plus important.
J’ai dit le mot « lessives » : ça se passe toujours de la même manière. Je veux faire moi-même. Une multitude d’enfants me suivent pour voir ça. Je mets le savon, les enfants rient. Je frotte le linge, ils rient de plus belle. Finalement il y a toujours une autre maman qui me prend mon linge pour le laver, je n’ai jamais réussi à aller jusqu’au bout toute seule. Bref.

Un mot sur la prison. Antoine, 16 ans, y va souvent. Il donne ce qu’il a, il achète de la farine, une maman l’aide pour amener et préparer, parfois l’association contribue aussi. C’est peu de choses, et pourtant il semble que c’est la seule nourriture que ces hommes reçoivent. Pas assez pour vivre… c’est terrible à dire mais certains en meurent.
Comme les murs ont été partiellement détruits en 2017, les prisonniers n’ont pas le droit de sortir du bâtiment. Antoine a construit une petite toilette qui sert pour quelques-uns qui ont le droit de sortir. Pour les autres, il y a juste un seau…
Ni soins, ni natte pour se coucher, ni vêtements non plus : ils portent ceux que nous avons envoyé en avril. Une situation insoutenable qui dure depuis plus de 10 ans. Je rêve juste que quelques personnes à Luebo, ne fut-ce qu’une fois par an, aient l’idée de leur rendre visite pour apporter un petit quelque chose.
« J’étais en prison et vous êtes venus me visiter ».

16 janvier, Luebo

Chaque matin nous préparons une casserole de tisane d’artemisia et avec Théophile nous allons voir comment évoluent nos petits semis et plantations.
Aujourd’hui nous faisons au plus vite : nous avons rendez-vous avec les deux équipes d’apiculture de Luebo. Les tenues d’apiculture sont des petits saunas ambulants, mais acceptés avec plaisir car la visite en vaut la peine. Chaque ruche est visitée, nous notons les travaux à faire. C’est encourageant de voir que certains problèmes du passé sont maintenant bien résolus : chaque ruche est couverte d’un toit, les pieds sont protégés avec des pots pour que le fourmis ne montent pas. Mais la plupart des barrettes n’ont pas d’amorce, ce qui enquiquine aussi bien les abeilles que les apiculteurs.
Nous parlons… c’est une joie de retrouver les anciens qui sont toujours là. Chacun se stimule à travailler plus régulièrement, à faire des amorces, à préparer les ruches vides pour y accueillir des abeilles.

La journée ne désemplit pas de rencontres et d’activités. Nous passons souvent devant la bibliothèque. C’est la première fois que je la trouve si bien aménagée de l’extérieur. A l’intérieur les livres sont nombreux et disponibles, mais la bureautique s’étend et encombre un peu … Nous réfléchissons à ce qu’il est possible de faire pour rendre l’espace plus agréable aux lecteurs, aménager les étagères pour un meilleur rangement, et faire la promotion des livres que nous aimons.
Au passage, essai laborieux de réparation d’une imprimante, avec un brin d’herbe comme outil principal de travail. Nous avons perdu le match, mais au moins nous aurons essayé !

Visite du deuxième rucher de Luebo l’après-midi. Le lieu est magnifique, je suis toute admirative. Le rucher manque de visites régulières, l’équipe a peut-être démarré trop tôt, sans comprendre suffisamment la philosophie de l’association, et certaines techniques de base de l’apiculture. Nous parlons… espérons que cette visite redonnera du courage !

Un de mes plus grands bonheurs durant ce voyage est d’être accueillie dans une famille où les enfants respirent la joie et sont tendrement aimés de leurs parents.

17 janvier, Luebo

Une journée magnifique. Au programme : visite de deux coopératives agricoles qui sont membres de l’association. Nelly, trésorière, nous accompagne C’est à quelques kilomètres de Luebo, la vue sur les collines autour de la Lulua est fantastique. Nous suivons un sentier entre les hautes herbes pour atteindre le premier groupe, du Pasteur Jacques Shamba. Hommes et femmes sont au travail pour préparer la deuxième saison.
Nous échangeons à propos du rôle de l’association : ils l’ont déjà bien compris. Elle n’est pas là pour faire de l’assistance ou donner des salaires, ni pour imposer tel ou tel travail. C’est avant tout un esprit et une méthode de travail : cultiver selon le calendrier des saisons, respecter l’environnement, partager les récoltes, viser l’autonomie, collaborer avec les autres équipes. Une petite aide financière, une à deux fois par an, permet de renforcer l’outillage, bottes, semences ou autres selon la décision du groupe.
André parle aussi de l’artemisia : comment la cultiver, comment l’utiliser contre la malaria. Pendant ce temps, Théophile et moi, nous préparons la tisane dans une casserole d’eau bouillante et distribuons une tasse à chacun.
J’écoute André parler en tshiluba : il parle lentement et fait des gestes : c’est la première fois de ma vie que je comprends presque tout.
Un homme monte dans un palmier, Jean-Nicolas en profite pour expliquer cette image qui est comme un symbole de l’association : l’enfant qui s’accroche, qui monte, de manière autonome et courageuse.

Nous quittons cette belle équipe et continuons de marcher dans les collines pendant environ une heure. Le paysage est vraiment beau, inoubliable. Je comprends que Freddy, qui avait fait ce chemin en 2013, nous l’ait raconté tant de fois avec passion. Nous nous dirigeons vers la concession de Papa Marcel qui nous a déjà rejoints. Il se met à chanter, quelques hommes l’accompagnent …

Tshisululu tshia budimi tshiakandisha
Nakokola nakasela nakalela
Anu bualu bua budimi.
Banyi bana kabena mua kulala ne nzala to.

C’est grâce à la sueur du travail que j’ai pu avoir une femme et des enfants,
C’est grâce à elle que mes enfants ne s’ endorment pas affamés.

La suite de la chanson résonne soudain comme en écho car il vient de l’autre versant de la colline, accompagné de cris de joie. C’est l’épouse de Marcel qui descend vers nous en dansant, parée de feuilles de palmier.
Ananas, patates douces, goyaves, bananes plantains, arachides, café Carioca, cannes à sucre, manioc, maïs… tout cela s’entremêle et pousse abondamment jusqu’à la petite maison entourée d’arbres, là où coule la Lulua. Pendant près d’une heure, nous ne faisons que croquer les cannes à sucre, laissant doucement nos corps reprendre souffle. Puis André et Papa Marcel prennent la parole tandis qu’avec Théophile je prépare l’artemisia.
Plus tard, dans la petite maison où nous prenons un repas, le chef coutumier nous rejoint et pose des questions : pourquoi cette visite ici seulement ? D’autres cultivent aussi ailleurs ! André répond avec beaucoup de justesse : l’association est permanente à Luebo, ce n’est pas elle qui va chercher les gens, ce sont eux qui s’associent et adhèrent librement à l’esprit proposé.
Le départ est proche, nous saluons « Tom Bombadil » et sa belle épouse. Je lace mes chaussures mais on me fait signe que deux pirogues sont prêtes pour nous ramener à la première coopérative. Yahouuuu ! C’est la première fois de ma vie que je monte dans une pirogue, (imaginez seulement votre premier vol en avion sans les tracasseries de l’aéroport…).

Arrivés chez Jacques, j’ai le cœur gonflé de joie pour cette belle journée. Je voudrais rentrer à pied, marcher encore entre les hautes herbes, passer les petits ruisseaux et admirer les collines qui entourent Luebo. Mais j’entends que Théophile appelle les motards au téléphone pour qu’ils viennent nous chercher. Je surprends une phrase : « mutoke mutshioka bikole * »
* la blanche est très fatiguée !

18 janvier, Luebo

Ce matin, nous faisons les courses pour demain. Car demain c’est moi qui cuisine. Spaghettis-fourmis et crêpes à la confiture de goyave-ananas-matundu.
Au passage je cherche Antoine, il est parti à la prison préparer une grande tisane d’artemisia pour les prisonniers.
Après les courses, nous redescendons à la bibliothèque pour brancher deux batteries supplémentaires, qui permettront une meilleure autonomie de la bureautique.
L’étape suivante est une réunion avec une équipe d’agriculture toute proche : « Maison-Espoir ». Ici, le projet est plus réduit et malheureusement les porcs ont beaucoup dérangé les cultures. Mais Papa Ngoma est un des pionniers de l’Artemisia annua à Luebo, il propose de réserver une partie du champ pour cette culture.

Le soir, nous rendons visite à l’abbé François Kasonga à Luebo Mishonyi. Toujours passionné d’agriculture, il m’offre la courge qu’il me manquait pour ma sauce spaghettis et promet un mandarinier à Théophile ! Devant le presbytère, un petit champ de soya qu’il cultive dans le seul but de redistribuer les semences et encourager cette culture très nutritive.
L’église Saint-Théophile a été saccagée en 2017, le 31 mars, en même temps que l’église du Sacré-cœur et la cathédrale et bien d’autres bâtiments religieux ou de l’état. Tout est vide… Peu à peu, on reconstruit avec le peu de moyens disponibles. En attendant, la messe est célébrée devant la maison de l’abbé.

19 janvier, Luebo

Petit déjeuner chez Papa Marcel. Joyeux, vitaminé ! J’essaie d’apprendre la chanson « tshisululu tshia budimi ».
Nous marchons ensuite jusque « Luebo film », une ancienne salle de cinéma qui sert aux chrétiens de la paroisse Saint-Jean dont l’église (cathédrale) n’est pas encore réhabilitée. Après l’eucharistie, nous rencontrons les jeunes du club « Actus juvenis ». Leur dynamique peu avant les événements de 2017 nous avait marqué, et par la suite dès le retour de ceux qui avaient fui, ils voulaient faire ensemble du théâtre, de la danse, des travaux agricoles et de service pour la route.
Nous les quittons pour passer au couvent. Lui aussi a été brûlé le 31 mars 2017, les sœurs et les novices ont pris la fuite par le fleuve où la forêt, restant souvent plusieurs jours sans manger, se cachant et cherchant à rejoindre des localités plus paisibles.
La reconstruction se fait lentement mais sûrement, tout comme à l’évêché.

Après-midi consacrée à la cuisine. En mode Belgique, je cuisine sur une table avec une planche et un couteau… Spaghettis sauce bolognaise au menu, les fourmis grillées feront office de hachis. Miam ! Quel plaisir de travailler aux côtés de Charlotte, elle dit « waw » quand je fais une crêpe mais elle les fait encore mieux que moi ! Théophile et Antoine s’y mettent aussi.
Avec les fruits disponibles – ananas – goyave – matundu, nous faisons une délicieuse confiture.
Vous avais-je dit que c’était un repas en mode « Belgique » ? Les hommes qui n’ont pas cuisiné sont gentiment invités à faire la vaisselle. Vite fait, bien fait. Chapeau !

20 janvier, de Luebo à Mweka

Nous prenons la route vers Mweka. Durant trois jours, nous rencontrerons les différentes équipes d’apiculture de cette région, et une équipe d’agriculture.
Après un petit bonjour à Bana Monyu, où Honoré nous tend un guet-apens avec riz, sucre et arachides, nous atteignons Muyondu. C’est ce village qui a accueilli la formation de 2017, qui fut un symbole d’espoir pour tous. Le rucher est petit et les équipements réduits, mais pourtant suffisant pour produire un peu de miel. J’espère que cette équipe reprendra courage car plusieurs techniques de base ne sont pas appliquées !
Le village suivant est Nsungi Munene. A l’entrée du village, les enfants nous accueillent avec des fleurs et une pancarte. A notre arrivée chez le responsable, nous sommes fêtés joyeusement, c’est un accueil grandiose, les gens sont nombreux, surtout les enfants. Beaucoup d’émotion, mais aussi une certaine difficulté de sentir tant de regards fixés sur ma personne. Nous partons au rucher qui est à l’entrée du village, le groupe des enfants est tellement dense… j’ose à peine leur sourire ou répondre à leurs signes de main, de peur qu’ils ne se bousculent et se piétinent.

Heureusement ils respectent l’ordre de ne pas entrer au rucher. Le sentier dans la forêt est parsemé de petites clairières, chacune avec une ruche. Elles sont bien entretenues. Je me souviens des années où les apiculteurs luttaient contre les prédateurs : insectes volants qui tuaient les abeilles en plein vol. Le partage des expériences a permis de comprendre comment installer les ruches dans des petites clairières en forêt pour les protéger. Ce rucher est encourageant : 16 ruches, peuplées pour la plupart de belles colonies. Quand on sait que cette équipe a presque tout fait avec ses propres moyens, cela donne beaucoup d’espoir.

Nous les quittons vers 16 h 30 pour rejoindre Mweka. A la barrière, la discussion se prolonge. C’est profondément mystérieux pour moi, tout ce théâtre. L’idée serait de repérer (ou inventer) des infractions, non pas pour les corriger mais pour les laisser passer contre un peu d’argent. Plus de 1 h 30 de négociations… je n’y prend pas part, j’en profite pour rédiger ce petit compte-rendu (si vous me trouvez trop bavarde, vous saurez auprès de qui vous plaindre).

21 janvier, de Mweka à Kampungu

Quand l’équipe de Mweka a commencé à pratiquer l’apiculture, ils avaient préparé une ruche « piège » : en y frottant de la citronnelle ou du vin de palme, il n’est pas rare que l’on puisse ainsi attirer un essaim d’abeilles. Mais la ruche restait vide… Pendant ce temps, chez le Pasteur, une colonie d’abeilles avait envahi une armoire : impossible de les déloger ! Alors le Pasteur a pensé : et si nous faisions une ruche en forme d’armoire ? Ainsi est née la ruche « Kabadi ». Deux fois plus haute qu’une ruche kenyane, angles droits, pieds plus courts pour le confort du travail, 9 à 10 barrettes. Un modèle productif qui semble bien convenir à l’abeille adansonii. Un seul rayon peut donner plus de deux litres de miel !
Nous visitons l’un des deux ruchers de cette petite équipe qui travaille avec beaucoup de sérieux, ne négligeant aucun détail, y compris la plantation d’espèces mellifères. Et ils récoltent en conséquence un miel délicieux.
A notre retour, nous avons la joie de saluer Laurent, venu expressément de Domiongo. Il fut l’ un des premiers maillons du développement de l’apiculture dans l’association en 2012 au village de Bamuyaya.

Nous reprenons la route en direction de Luebo. A la barrière, le policier chicane encore, oubliant ce qui avait été convenu la veille. Je fulmine intérieurement !
Nsangila Kabawu est un village qui a vu couler beaucoup de sang en 2017. Des miliciens, des militaires… en grand nombre. « Vous vouliez fuir chez un voisin, la maison était vide ou jonchée de cadavres » nous raconte un homme. Aujourd’hui la vie est là, douce et souriante, dense… La vie est juste plus fragile et difficile encore parce qu’il n’y a plus d’outil, parce que le centre de santé est resté vide-vide, parce que les orphelins sont plus nombreux.
Beaucoup de joie dans l’accueil : tout le village forme un petit cercle attentif autour de nous et des chefs coutumiers. Il y a ici deux groupes qui sont intégrés dans l’association : les uns cultivent le café, les autres pratiquent l’apiculture. Quelques anciens caféiers sont déjà lourds de fruits, plusieurs centaines ont été plantés récemment, disséminés dans cette magnifique nature. Il ont laissé en place des arbres très hauts qui protègent le champ du soleil direct.
Le rucher est admirable, au sens où cette équipe a tout fait par elle-même avec presque rien comme outillage. Mais peu productif : les abeilles désertent souvent par manque de confort. On réfléchit ensemble : un menuisier voisin pourrait refaire les barrettes, l’association peut payer des tôles, les apiculteurs devraient faire des amorces… Le courage revient. André raconte ce qu’il a vu au Bas-Congo, il parle de l’esprit de l’association, il encourage beaucoup.
Ceux qui veulent prennent la parole : une femme lève doucement la main. Elle aussi cultive le café, tout comme ses parents l’ont fait à l’époque coloniale, mais elle n’a plus ni houe ni machette pour travailler. Le chemin proposé pour entrer dans l’association : se mettre en équipe, commencer à travailler avec ses propres moyens, transparence, équité… La femme écoute, comprend, ses yeux rient.

Le soir nous quittons sans savoir encore où nous dormirons : il n’y a pas de réseau téléphonique dans cette région. A Kampungu, Marthe, infirmière au poste de santé « Bantu bakaji » me prend la main et me dit « vous allez dormir ici à Kampungu, allez chez Chef Baleo, je vous rejoins après mon travail « . La nuit est magnifique.

22 janvierde Kampungu à Luebo

La matinée commence par des chants repris par des centaines d’enfants alignés devant leurs classes. Baleo, chef coutumier, est aussi directeur d’une école qui a bénéficié de quelques cartons de manuels scolaires récoltés en Belgique. Les enfants nous remercient et nous souhaitent la bienvenue.
Après la visite du rucher, nous tenons une réunion. J’admire la patience… André commence toujours par donner la parole à l’équipe, mais plusieurs intervenants interrompent le fil de la conversation avec d’autres sujets. Nos observations techniques par rapport au rucher recentrent et surtout donnent l’ envie de s’y mettre concrètement.
Marthe nous fait voir son centre de santé dédié aux femmes, où un panneau solaire permet d’avoir un peu de lumière le soir et de recharger les téléphones. Je souris en voyant les petits modules de charge bricolés à Esneux avec deux enfants. Émery, menuisier de Luebo, infatigable travailleur, a fait l’installation pour trois centres de santé dont celui-ci.
Marthe ! Et tant d’autres femmes africaines… Elles respirent joie, grâce, force, beauté, courage… je me sens toute petite à côté d’elles et tellement fière quand elles me regardent comme l’une d’elles.

Nous arrivons à Bana Monyu avec l’idée de faire notre programme habituel : visite du rucher en premier, réunion ensuite. Non non non, Honoré nous informe fermement que chez lui il y a le repas-d’avant-la-visite et le repas-d’après-la-visite. Je goûte à la joie d’être là tout simplement, dans le présent, avec de bons amis qui aiment rire, deviser, inventer des chansons… Comme nous avons constaté que le piment de Papa Marcel est trois fois plus fort que le piment de la région, lui-même un des plus forts du monde, André explique. Je retranscris ici textuellement, j’espère que quelqu’un voudra bien transmettre ça à mon frère Michel, c’est bien sûr pour lui que j’ai posé la question.
Pour que le piment soit fort, il y a des conditions. 1. Le matin, en vous levant, vous n’allez pas boire de l’eau. 2. Et puis vous allez en brousse en colère (« il faut vous chamailler avec l’épouse » ajoute quelqu’un). 3. Quand vous êtes en brousse directement avant de faire autre chose, vous commencez à crier. Vous criez « WAaaaaW », vous semez, « WAaaaaW », vous semez. Comme ça. 4. Là quand c’est semé vous pouvez boire de l’eau. Ce piment-là c’est tellement piquant. Voilà les conditions.
Bref, je reprends une dernière petite poignée d’arachides (qu’Honoré double immédiatement en faisant semblant de regarder ailleurs), puis nous enfilons nos tenues apicoles.
Un essaim s’est installé dans une souche de papayer chez un voisin. J’assiste à la capture. Chacun fait son travail. L’un frotte une ruchette avec de la citronnelle, un autre allume l’enfumoir. L’un découpe une grille à reine, l’autre prépare un marteau et deux clous. Comme on n’a pas de pulvérisateur, on prend de fines branches et une tasse d’eau. On ouvre la souche à la machette. C’est une petite colonie aux rayons bien alignés. Un par un ils sont découpés et noués dans l’ordre avec des brins d’herbe sur les barres de la ruchette. Celle-ci est posée devant. Maintenant nous observons. Pendant de longues minutes, les abeilles sortent de la souche pour entrer dans la ruchette. C’est à qui verra la reine en premier ! Mais pas de chance, elle est entrée incognito. D’autres yeux nous observent. A quelques mètres, tout le village est réuni, les enfants en premier. Il est loin le temps où l’on se demandait si ces « dompteurs d’abeilles  » étaient des sorciers…

La visite du rucher est bonne. Mais c’est plus fort que moi, quand je vois Suzanne se faufiler entre les broussailles pour aller à la cueillette de matundu, je la suis pour découvrir comment poussent ces délicieux petits fruits et partir en chasse avec elle. Sur le chemin du retour, les enfants chantonnent à l’infini « Isabelle a cueilli des matundu ».

23 janvier, Luebo

Retour à la maison hier soir, les enfants ont sauté dans les bras de leur papa.
Notre semis d’artemisia annua a reçu trop… d’amour… Les plantes encore minuscules se noient ! Je décide d’en repiquer une partie en pots individuels et de faire un nouveau semis. Du côté des artemisia afra, seules deux plantes ont tenu le coup. Nous les bichonnons… avec Théophile toujours en tenue de service, Désiré (7 ans, amoureux de l’artemisia), et notre voisin Jean-Nicolas qui trouve toujours dans son fouillis ce dont nous avons besoin (et vice-versa… il vient puiser chaque matin la Parole du jour dans mes bouquins).

Le temps file, il faut filtrer l’eau, ranger les bagages, laver les tenues apicoles, mettre à la charge l’appareil photo, le téléphone, la lampe de poche, enlever les « chiques » du voyage (petites bêtes qui viennent se loger sous la peau des doigts de pieds), préparer la tisane d’artemisia, accueillir les visiteurs… Ce n’est que vers 10h30 que nous montons vers le centre. Pour donner une idée topographique aux belges qui me lisent… Luebo s’étend sur deux versants un peu comme de Beaufays à Boncelles, et la maison d’André est à 200 m de la rivière juste comme chez moi à Méry. Il fait 32 degrés sans ombre et une partie du chemin est sablonneuse.
Donc nous montons jusqu’à la Procure où nous devons rencontrer l’abbé Gustave pour parler du projet de la deuxième bibliothèque. Il est absent.
Devant l’ANR (agence nationale de renseignements), nous sommes interpellés. Je dois passer de toute urgence avec mon passeport « pour ma sécurité ». C’est touchant le nombre de gens qui veulent s’occuper de « ma sécurité ». DGM, ANR, policiers aux barrières, aux postes, au pont de la Lulua. Je ne dis rien : eux au moins m’offrent une chaise, je ne suis pas sûre que le Service de Sécurité de la SNCB ait cette délicatesse quand ils chopent nos amis du Parc Maximilien.
Petites courses-plaisir… une sipa de mankenene (fourmis ailées), commande de blouses pour mes petits-enfants… Tout le long du chemin, des petits ou grands « Isabelle, Moyo ! ». J’essaie de ne pas en rater trop, car chacun attend une réponse.

A 16 h, une quinzaine de veuves du quartier sont réunies chez Jean-Nicolas. Être veuve ce n’est déjà pas facile. En Afrique, c’est plus compliqué encore… vous êtes dépouillée de tout. Mais à Luebo, ou la vie « normale » est déjà compliquée au jour le jour… pfiouuuut ! André explique : l’association a pensé venir en aide, mais pas sous forme de distribution d’argent. Ont-elles une idée d’action que nous pourrions appuyer ? Nous les laissons parler entre elles une vingtaine de minutes. Elles pensent à 4 choses : fabriquer des savons, coudre, faire les champs, apprendre l’apiculture. On se revoit jeudi prochain pour en reparler.
L’atelier de menuiserie de Jean-Nicolas et Emery est sans cesse en activité. J’y passe 10 à 20 fois par jour… Emery est toujours au travail, souvent avec quelques élèves. Portes, fenêtres, fauteuils, et bien sûr ruches passent par leurs mains habiles ! Ce projet intégré dans l’association, mais très autonome, a déjà permis à des dizaines de jeunes d’avoir un vrai métier !

24 janvier, Luebo

Ce matin nous grimpons vers Mishonyi, l’autre versant de Luebo, après avoir passé le pont. Nous allons visiter la plus jeune équipe d’apiculture de Luebo. Ils sont nombreux, et se sont cotisés pour construire 5 ruches. Nelly, trésorière de l’association, nous accompagne. La tenue apicole lui va très bien !

Malheureusement au rucher, le manque de formation se laisse voir dans les détails négligés, et les abeilles ne s’y trompent pas.
C’est un questionnement depuis quelques années : faut-il accepter la création de nouvelles équipes (les demandes sont nombreuses) ou consolider la formation de ceux qui ont déjà un peu d’expérience ? Pour 2019 et 2020, nous avons choisi de consolider… Mais cette équipe a malgré tout la volonté de continuer. Alors nous cherchons des pistes pour avancer sans décourager.
Un délicieux repas nous attend… avec quelque chose qui me ravit : un jus de fruit frais ananas – coco !
Mado, notre hôtesse, nous fait visiter l’hôpital CPC où elle est infirmière en chef.
Je sais que j’ai la responsabilité de rendre quelques nouvelles des cartons qu’ils ont reçu en avril, dons de « Hopital sans frontières ». Ce n’est pas mon fort. Ici les besoins sont tellement immenses, et c’est le cas au HGR également… Une toute jeune maman présente son bébé. Né prématuré avec un poids de 1 kg, il en fait 3 maintenant. La « couveuse » était faite de linges chauffés sur le foyer à charbon.

Retour vers la rive gauche. Les femmes qui lavent leur linge à la rivière nous saluent joyeusement.
En fin de journée nous remontons tout en haut de la ville pour voir l’abbé Gustave et le Coordo de l’enseignement, Banjana. L’idée de faire une deuxième bibliothèque en haut de la ville est bien établie. Le lieu exact reste à déterminer.

Soirée cuisine en famille. J’ai une furieuse envie de gingembre… et Marie me fait découvrir que ça pousse partout comme une mauvaise herbe. De même les citrons jonchent le sol sans qu’on les ramasse. Ce sera mon petit bonheur du soir…

25 et 26 janvier, Luebo

Je fais une trêve de récit détaillé pour ce week-end… Très brièvement : Samedi, agriculture. Dimanche, églises.
Et je vous mets quelques photos au hasard… faut bien se reposer de temps en temps !

27 janvier, de Luebo à Ndjoko-Punda

Chaque jour Charlotte et Marie amènent 150 litres d’eau à la maison sans que personne ne dise rien. Ce matin je suis allée à la source avec un petit seau de 5 litres, j’en ai ramené 3 à la maison (le reste a valsé sur mon pyjama), et la nouvelle circule partout que je suis allée chercher l’eau. No comment !
Les motos sont déjà là pour notre départ vers Ndjoko-Punda, mais comme André est au four et au moulin en ce premier jour d’examens, je passe voir Jean-Nicolas (menuisier). Nous inventons très vite un modèle de trusquin hyper simple pour rainurer les barrettes. Il m’en fabrique deux sur le champ.
Je suis très émue de revenir à Tshibuabua-Ngolela, et plus encore de revoir Ariette qui a si bien pris soin de moi lors de mes séjours dans ce village en 2013 et 2015.

Plus loin, à Kasangisha, nous rencontrons une des équipes qui cultive le café. Ils ont planté 400 jeunes caféiers mais sans sarcler. Dans ce village il y a aussi un groupe d’apiculteurs qui évolue depuis 3 ans. Ils se donnent beaucoup mais comme presque partout, les barrettes ne sont pas bien préparées et ils ne savent plus très bien comment faire. Une de leurs colonies très forte pourrait être divisée mais aucune ruche n’est prête … Nous décidons de travailler avec l’équipe. Les petits trusquins servent tout de suite pour rainurer, on allume un feu pour faire fondre la cire. Théophile en verse une partie sur une planche, puis décolle doucement la feuille de cire et la découpe en languettes. Pendant ce temps André a fabriqué un mini-poëlon avec une boîte de conserve et un bois, il y fait fondre un peu de cire pour coller les languettes bien au centre de chaque barrette. Ce travail devrait toujours être fait avant de mettre les abeilles dans la ruche, sinon on court le risque qu’elles construisent de travers : la conduite apicole et la récolte deviennent alors problématiques, et cela décourage les apiculteurs.





Nous poursuivons notre route jusque Ndjoko-Punda. Anaclet et Clémentine, responsables de l’une des plus anciennes équipes d’apiculture, nous accueillent chaleureusement. Ils ont 9 enfants et 6 petits enfants. Le dernier, 3 mois, a un peu mal au ventre… je le berce avec la Chanson du Cerisier. En fait, c’est presque tout comme chez nous à part qu’il y a la télé et que deux poules qui regardaient le foot avec nous viennent de passer à la casserole.

28 janvier, de Ndjoko-Punda à Tshibuabua-Ngolela

Ici, la plupart des apiculteurs sont aussi enseignants, nous patientons pour que chacun puisse trouver un remplaçant avant de partir au rucher. Il y a du potentiel dans cette équipe, des colonies fortes, et surtout Clémentine, vive et intelligente, qui a suivi la formation des promoteurs en tant que « chef du village ». Mais le menuisier ne suit pas. Des pieds, des barrettes pourrissent sans être remplacés, plusieurs ruches sont vides, en attente d’être restaurées. Nous les exhortons à faire certains travaux de menuiserie par eux-mêmes… et nous commençons par la fabrication du trusquin-maison !

A 2 km de là, nous avons des amis, Ruth et Albert. Albert a construit un centre de santé et de nutrition. En octobre, ils ont adopté deux jumeaux dont la maman est morte en couches. Le 22 novembre dernier, une forte pluie s’est abattue sur la ville, il y a eu plusieurs morts et des centaines de blessés, 2000 maisons détruites, dont le centre de santé d’Albert. Les traces du sinistre sont encore bien visibles dans la ville. Un des petits jumeaux était malade, il est mort début janvier. Sa sœur s’est endormie dans mes bras.
Les enfants et Ruth adorent revoir les photos de 2013 et 2015 à Luebo. Ils aident Théophile à m’enlever une chique dans pied. Je sais par expérience que leurs petites mains agiles et un simple bout de bois sont bien plus efficaces et moins douleureux que la chirurgie belge.

Nous reprenons la route et faisons étape à Lukengu, où une équipe d’apiculture encore jeune rencontre les mêmes problèmes de barrettes et de colonie à diviser. Nous avons peu de temps… la réunion est remplacée par le travail pratique. Tout le village observe.

Nous passons au centre de santé. Comme toutes les maisons du village, il est fait de terre, de bois et de chaume. Trois « grabats » accueillent les patients. Ce que nous avons envoyé a déjà bien servi et servira encore, principalement du matériel d’HSF. L’infirmier a encore deux demandes : la lumière (panneau solaire) pour les accouchements nocturnes, un microscope. Je bredouille comme toujours que « envoyer des choses » n’est pas l’objectif premier de l’association.
En sortant je vois un petit garçon couché sur un grabat. Son objectif premier à lui est de rester en vie…

29 janvier, de Tshibuabua-Ngolela à Luebo

Le jour est à peine levé, déjà des centaines d’yeux m’observent derrière et devant la maison. Les enfants ne me lâchent pas d’une semelle.
Nous rencontrons aujourd’hui trois équipes d’apiculture très proches : Ngandu-Tshiloba, Bamuyaya, Tshibuabua-Ngolela. Plusieurs visages connus : j’ai suivi avec eux la première formation qu’Abraham est venu donner ici en 2013. Le dernier jour, nous avions appris comment faire des amorces. Mais c’est comme s’ils avaient tout oublié ! Nous recommençons avec eux les travaux pratiques, après avoir dû insister un peu… auront-ils la volonté de continuer ?

Nous sommes devant la maison du chef coutumier, mais il est absent. Il arrive au milieu de notre réunion et d’emblée je sens que l’accueil est froid, même si je ne comprends pas tout. Il aurait préféré que nous le cherchions hier soir. L’assemblée est silencieuse et tendue. Finalement quelques apiculteurs invitent André à terminer sa phrase mais il a la gorge nouée. Je termine : nous parlions de l’unique scie disponible pour les trois équipes, qu’il faut apprendre à se partager lorsqu’une équipe a besoin de faire une nouvelle planche pour une ruche. Je parle en français. Ce sujet présente à lui seul l’association : nos moyens limités, l’esprit d’autonomie, la solidarité. Le chef répond en tshiluba, lentement, et je le comprends bien.  Il parle encore avec André puis revient avec un gros canard. Je n’ai jamais tenu un canard vivant dans mes mains. Vite vite j’observe et je prends !
A Tshibuabua-Ngolela, Théophile, qui est pasteur, a initié un projet d’agriculture avec son église. Un travail bien mené, le champ est clôturé, ils ont déjà récolté et se préparent pour la deuxième saison. Le défrichage avec des haches ou machettes n’a pas été simple : la forêt est dense ! Dans son jardin, il a semé des radis (semences de Freddy), un légume totalement inconnu ici. J’en lave trois et les partage… je croque mon petit morceau avec délice !

Les apiculteurs ici sont un peu plus actifs, mais la première colonie visitée est tellement agressive que je renonce à suivre le groupe. La réunion commence, André prend la parole en tshiluba. Je suis un peu fatiguée mais je l’écoute et je pense « il traduit bien ! »… avant de me rendre compte qu’il ne traduit rien du tout, il parle de lui-même, mais il dit juste ce que je voulais exprimer à l’équipe. Une communion de pensée qui n’est pas nouvelle, souvent constatée même durant les deux années où nous communiquions uniquement par écrit. A chaque fois, je pense « cela ne vient pas de nous », et je rends grâce…

Un forgeron présente un enfumoir qu’il a commencé à fabriquer : il me l’avait déjà montré en 2015, il n’a pas évolué car il attendait que je lui donne un morceau de chambre à air ! A Luebo aussi un forgeron s’y est mis. J’espère qu’ils vont persévérer de manière autonome. Cette année déjà plusieurs équipes ont cousu elles-mêmes leurs tenues apicoles avec la toile récoltée à Esneux.
Retour à la maison… les deux enfants nous font la fête. Quand leur papa leur transmet la salutation de Clémentine, ils se mettent à chanter et danser.

30 janvier, Luebo

Nous n’avions presque rien mis au programme aujourd’hui, afin de bien préparer la formation Artemisia qui a lieu demain.
Mais une lettre de la DGI nous oblige à monter en ville. Tout est compliqué. Venir d’un pays lointain et avoir une autre couleur de peau entraîne toujours une série de préjugés, en Belgique comme ici. Une association qui ne reçoit pas de financement, dont les membres ne sont pas salariés et travaillent juste par passion, avec leur cœur : personne n’y croit ici !
J’aime l’idée des taxes. Elles servent par exemple à offrir à la population des bibliothèques gratuites, ou des routes. Mais ici, on taxe une bibliothèque gratuite pour faire des « non-routes » payantes.
Nous revoyons le groupe des veuves. Elles ont trouvé un champ à cultiver, ont répertorié leurs outils pour commencer à travailler. L’association aidera pour les semences. Elles veulent aussi faire du savon.
La température est plus raisonnable depuis une semaine… mais la douche fait toujours du bien ! (Je vous mets une photo de la douche). Nous surveillons sans cesse les petites artemisia qui grandissent lentement. Papa Ngoma a semé aussi, avec succès.
Une dame passe à la maison pour vendre un légume que je suis la seule à connaître ici : des pommes de terre ! 😉

31 janvier, Luebo

C’est aujourd’hui la journée de formation à la culture de l’artemisia. Nous essayons de ne rien oublier dans nos préparatifs : outils, semences, arrosoir, moustiquaire, la vaisselle, le riz et le feuillage… la liste est longue !
Il y a plus de 40 participants. Au fur et à mesure de leur arrivée, ils regardent une vidéo qui explique, étape par étape, comment cultiver cette plante qui soigne la malaria.
Nous partons derrière le collège. Les séminaristes qui participent aussi, nous proposent un petit terrain déjà aménagé. Chacun se met au travail pour construire la pépinière (surtout quand je sors l’appareil photo !). Bientôt tout est prêt… terre fine mélangée aux fientes de poule de notre voisin Coco Malobo, arrosée d’eau bouillante pour empêcher la pousse des autres semences. Nous faisons trois rectangles : un avec les semences du Kivu, le deuxième également mais à semer dans 15 jours, un avec les semences de Belgique.
La suite est laborieuse : servir 40 personnes dans l’étroite véranda de la bibliothèque, préparer la tisane. J’en profite pour donner toutes les explications sur la préparation et les traitements. Les questions sont nombreuses et intéressantes. Ceux qui ont encore du temps regardent une deuxième vidéo. D’autres, venus de loin, reprennent la route. Chacun a reçu un petit sachet de semences et un feuillet d’explications.

Épuisée, je rentre à la maison et m’endors. A mon réveil, j’ai un immense envie d’aller à la rivière mais on me l’a interdit. Alors je propose de faire la vaisselle… et j’apprends que Charlotte a prévu d’aller faire la vaisselle à la rivière. Détente et rires entre femmes… quel plaisir !
A la bibliothèque, André ne regarde pas sa fatigue… il doit saisir les questions d’examens. Un travail de plusieurs heures encore qu’il case là où il peut entre nos activités.
La nuit est presque tombée quand arrivent deux personnes de Nsungi Munene. Ils ont marché 25 km pour venir à la formation, mais ils n’ont pas bien calculé l’heure. Heureusement l’ordinateur a encore un peu d’énergie, nous leur montrons la vidéo et donnons des explications, des semences, et de quoi manger et dormir…

1 février, Luebo

Ce matin les gens parlent beaucoup. Le PAM (programme alimentaire mondial) est arrivé à Luebo pour distribuer de l’argent. Un ami me dit  » je n’y toucherai pas, cet argent me dégoûte. Ils font croire aux africains que l’on peut gagner de l’argent sans travailler, ils ont trouvé le moyen pour que l’Afrique ne se développe pas ». Cet ami-là ne roule pas sur l’or : je l’admire et je pleure pour le PAM…
Je suis allée lire sur internet l’objectif de cet immense organisme mondial : « distribuer une assistance alimentaire dans les situations d’urgence et travailler avec les communautés pour améliorer leur état nutritionnel et renforcer leur résilience ». L’urgence, c’était en 2017. Il serait peut-être temps de passer à l’étape 2 !
Je vais rendre visite à ma famille, celle de la petite Isabelle Jemine, née en 2013 lors d’un de mes précédents séjours à Luebo. Ici j’ai sept ans et m’en donne à cœur joie ! Je joue au foot avec mon frère Pierre, au puzzle avec Isabelle et j’ai surtout beaucoup de plaisir avec ma grande sœur Bona qui ne sait ni marcher ni parler mais sourit sans arrêt ! (Si vous avez dans un tiroir une voiturette tout-terrain -taille 8 ans environ- pour emmener Bona à travers les petits sentiers sablonneux de Luebo, elle serait bien utile…).

Je retrouve Théophile pour une tournée des artemisia. Près de la Lulua il y a deux belles plantes semées l’année dernière par André, il faut les amender et pailler, consolider le toit de la pépinière, faire quelques repiquages…
Marie et Charlotte sont aux fourneaux depuis des heures. André m’a dit tout bas, avec un immense sourire, que l’équipe « Luebo 1 » prépare une surprise. De fait, mes vieux amis arrivent peu à peu tandis que je m’occupe de photographier les quelques 70 lettres reçues durant le voyage. On dresse les tables et Georges prononce un discours.

« Je souligne sans ambages qu’il y a actuellement création d’une véritable famille apicole du Kasai que nous devons sauvegarder pour nous-mêmes et pour les futures générations. Madame, tout le temps que vous avez passé parmi nous n’est pas une peine perdue. Par contre c’est une période où l’homme lui-même assume son rôle de continuer la pratique vers des destins meilleurs. »
Une petite famille s’affaire ce soir pour un bout de destin meilleur : je leur ai proposé d’acheter du café et du piment. Il faut torréfier et piller, ils se relaient jusque tard dans la nuit et tôt le matin.

2 février, de Luebo à Mbulungu

C’est le jour du départ. Jean-Nicolas vient une dernière fois puiser dans mes bouquins de quoi nourrir sa prière. Les deux livres bleus resteront dans les rayons de la bibliothèque. J’emporte un livre en tshiluba pour me perfectionner. Théophile ne trouve pas les mots pour me dire au revoir… nous lisons la phrase écrite sur le lit que le menuisier a fabriqué à mon arrivée « ce qui est dans la parole est dans le silence ». Antoine a fabriqué une petite cage : au-dedans, un oiseau merveilleux de toutes les couleurs. A l’image de son cœur. Nous lui rendons sa liberté.

L’attente se prolonge car André est sollicité de partout et les motards ont plus de deux heures de retard. Mon ventre est noué. C’est le départ. Pendant les trois premières heures, tout me fait mal… à l’intérieur et à l’extérieur.
Enfin, peu avant la nuit, une crevaison nous oblige à faire une pause dans un minuscule village. Tout de suite, comme partout ailleurs dès que l’on fait la moindre halte, on nous offre des chaises et de l’eau. Cet arrêt me fait du bien ! J’observe la réparation. Un épi de de maïs sert d’abrasif pour la chambre à air. A côté de moi un homme du village travaille aussi : il recharge trois piles en série sur un panneau solaire. Une petite fille m’explique : « ici le plus, ici le moins ». Le tout est ficelé avec du raphia. L’homme observe chaque soudure d’un téléphone complètement démonté. J’aurais ri si je venais pour la première fois. Mais oui, ils réparent et re-réparent réellement, avec une patience infinie et des bouts de bois en guise de tournevis. Il y a à la bibliothèque un ordinateur tout rafistolé devant lequel je ne peux que m’incliner… je l’avais déclaré irréparable. Un autre réparateur est passé après moi : il fonctionne.

Je ne sais comment vous décrire la route et les villages. C’est ce qui bouleverse le plus les voyageurs venus d’ailleurs. La Vie ! Enfants, mamans, hommes, les maisons, les animaux, la végétation… et rien d’autre que la vie qui coule. Une vie tellement différente de ce que nous connaissons. On ne peut s’empêcher d’en rêver un peu, et on ne doit rien oublier des souffrances qui côtoient la joie et la sérénité tellement palpables.
La route se poursuit, les deux dernières heures à la nuit tombante. Nous sommes heureux d’arriver à Mbulungu. Une petite chambre pour moi, avec un lit immense… le sol pour mes trois compagnons de route. Ce n’est pas ainsi que je voudrais mais la fatigue me prend toute entière.

3 février, de Mbulungu à Kananga

Dès le lever du jour, nous reprenons la route. Les villages se succèdent, la route sablonneuse est particulièrement sportive pour les chauffeurs qui doivent pagayer avec les pieds. J’ai envie d’un avocat comme petit déjeuner, avec du sel et du citron, une chaise, une petite table et un couteau… Certaines choses qui paraîtraient impossibles à trouver en Belgique se trouvent en un clin d’oeil au Kasaï. Petit air de vacances !
Arrivés à Kananga, nous avons une mission pour l’association : rechercher et acheter pour certains groupes d’agriculture ou d’apiculture des outils que l’on trouve difficilement à Luebo. Entre les demandes de prix dans les magasins, les achats, la perte de nos chauffeurs, je passe une grande partie du temps assise sur un petit muret dans la rue, auprès d’un groupe de femmes qui m’adoptent immédiatement et rient de me voir gardienne de 20 paires de bottes, de râteaux, de gants et d’une machine à coudre.

Nous sommes accueillis dans la famille d’un ami de longue date, le docteur Mulalu, et j’ai une joie immense de rencontrer Winner, un enfant né avec plusieurs handicaps, que je connais presque depuis sa naissance. Il rayonne de joie ! Très vite, nous devenons amis. Winner est sourd-muet et apprend le langage des signes, mais ses signes à lui dépassent le simple langage. Il joue, mime, invente, me soigne, fait semblant de préparer et distribuer la nourriture, ou de jouer du piano sur la moto. Nous nous comprenons autant dans les gestes que dans la fantaisie de nos histoires : quel bonheur ! Le soir, ce petit bonhomme souvent agité passera de longues minutes en silence à contempler, quelques photos sur mon téléphone : celle de nos rencontres précédentes en 2015 et 2013… il réfléchit, se tait, respire profondément et vient se blottir dans mes bras. Un merci s’envole vers ceux et celles qui ont protégé cette vie tellement précieuse à l’heure où elle était suspendue à un fil.

4 février, de Kananga à Kinshasa

Ce soir je dois prendre l’avion à Kananga à 18 h. Je prévois d’être là 2 heures à l’avance. Il est 10 heures du matin, nous attendons tranquillement la fin de la pluie pour reprendre nos courses des outils de menuiserie. Jean-Jacques nous appelle de Kinshasa « l’avion est déjà parti, il va arriver à Kananga, allez vite à l’aéroport « . Six heures d’avance sans prévenir, je n’y crois pas ! Mais je commence à faire mes bagages. De fait, un avion passe au-dessus de la maison… et ici il n’y a pas deux avions par jour ! Chacun s’affaire pour m’aider. 10 minutes plus tard je suis à l’aéroport. Je quitte André à la barrière. Le checking est clôturé mais un ami a prévenu, je suis attendue, l’avion ne partira pas sans moi. Baïooooo Kasaï !
Seule à Kinshasa, avec une adresse, je trouve les taxis communs : yess, j’ai réussi à me débrouiller pour rejoindre la famille qui m’accueille !

6 février, de Kinshasa à Bruxelles, … et de Kananga à Luebo !

Ce soir je prends l’avion pour la Belgique. Mais ce récit ne se termine pas en Belgique. Les deux motos qui nous ont amenés à Kananga ramènent vers Luebo André et l’épouse de Jean-Nicolas, de retour chez elle après une longue convalescence. Et des outils, des gants, des bottes… La brouette et les scies viendront par voie plus lente. Deux pannes ont immobilisé nos amis sur le chemin du retour, ils ont dormi au milieu de nulle part.
Les séminaristes continuent de prendre soin de la pépinière d’artemisia derrière Lunkelu, l’un d’eux m’a écrit qu’il voyait germer les premières petites pousses. Antoine veille sur l’unique « Artemisia afra » qui a survécu au voyage depuis le Bas-Congo.
Je ramène des chenilles, des fourmis, du café, du piment, du poivre et du miel pour le prochain repas africain dans la vallée de l’Ourthe.
L’avion atterrit. L’hôtesse vient d’annoncer que la température extérieure est de 0°. Mince, j’ai oublié mes chaussures à Kananga !